22 octobre 2024
Construction européenne oblige, les textes de l’Union européenne régissant le droit social se sont multipliés. Ceux-ci ont une influence plus ou moins importante selon leur catégorie sur le droit national, sur lequel ils prévalent.
Les traités sont les textes fondateurs de la construction européenne. Ils fixent des objectifs généraux sans entrer dans le détail de leur mise en place.
Le traité de Rome de 1957, qui a institué la Communauté économique européenne, comporte ainsi des principes portant sur la libre circulation des travailleurs ou sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il a été complété en 1986 par l’Acte unique européen qui a introduit de nouvelles dispositions concernant l’amélioration du milieu de travail ou encore le dialogue social.
En 1992, le traité de Maastricht a institué l’Union européenne. Celui-ci comporte un protocole relatif à la poli- tique sociale.
Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, renforce le pouvoir de l’Europe en matière de droit du travail et de protection sociale des citoyens des États membres.
Un nouveau traité, le traité de Nice, a été signé le 26 février 2001.
Enfin, le traité de Lisbonne, signé par les chefs d’État et les gouvernements des 27 pays de l’Union européenne le 13 décembre 2007 est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Celui-ci a modifié, sans les remplacer, les traités de Rome (devenu le « Traité sur le fondement de l’Union européenne ») et de Maastricht (« Traité sur l’Union européenne »). Ce texte clarifie notamment la répartition des compétences entre l’UE et ses États membres : domaines relevant des compétences exclusives, des compétences partagées et des compétences d’appui.
L’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, détermine les règles applicables dans un certain nombre de domaines. L’un des changements majeurs concerne les Européens souhaitant travailler au Royaume-Uni, pour lesquels un visa de travail est exigé. Ce visa est payant, le prix varie selon sa durée de validité.
Les directives européennes imposent aux États membres un résultat à atteindre tout en leur laissant le choix sur la forme et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif. Elles fixent généralement un délai pour y procéder.
La directive peut ainsi être transposée dans le droit français par une loi, un règlement ou les conventions collectives.
Exemple : la directive 76/207 du 9 février 1976 dans son article 5 obligeait les États membres à ne pas interdire le travail de nuit des femmes au nom du principe d’égalité entre les femmes et les hommes. Après avoir été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne en 1997 pour ne pas avoir respecté cette obligation, la France a finalement supprimé l’interdiction du travail de nuit des femmes qui figurait dans le Code du travail, par la loi no 2001-397 du 9 mai 2001.
Lorsque le délai de transposition est expiré, un particulier peut invoquer la directive, non ou mal transposée, dans le droit français en cas de litige avec l’État et son administration, mais pas à l’encontre d’un particulier.
Exemple : la directive no 91-533 du 14 octobre 1991 impose aux employeurs de remettre à leurs salariés un contrat de travail écrit. La France n’ayant pas encore transposé cette directive dans le droit interne, un salarié ne peut poursuivre son employeur parce qu’il n’a pas respecté cette obligation, l’État français étant seul responsable de cette situation.
Les règlements de l’Union européenne sont directement applicables à tous les États membres sans qu’il soit nécessaire de les transposer dans le droit interne. Toutes les dis- positions nationales qui leur sont contraires deviennent dès lors inapplicables.
Exemple : le règlement 492/2011 du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne assure l’égalité de traitement entre les travail- leurs nationaux et les travailleurs ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne.
Les particuliers peuvent invoquer les règlements en cas de litige avec un État membre, mais également envers un autre particulier.
Un salarié espagnol travaillant en France pourrait invoquer le règlement du 5 avril 2011 auprès des prud’hommes si son employeur refuse qu’il se présente sur la liste des élus du personnel du seul fait de sa nationalité.
Les autorités de l’Union européenne peuvent également adresser des décisions de caractère individuel à un État membre, un particulier ou une entreprise. Ces décisions, peu nombreuses en matière sociale, doivent être immédiatement appliquées mais uniquement par leurs destinataires.
L’Europe peut également émettre une recommandation ou un avis. Ceux-ci n’ont rien d’obligatoire et les États peuvent décider de ne pas les prendre en compte.
Une recommandation du 27 mars 2019 établit une liste de maladies professionnelles qu’elle conseille aux États membres de réviser le droit du travail pour interdire le sexisme et les agissements sexistes au travail.
En matière sociale, c’est la Commission européenne qui prend l’initiative des mesures qui sont arrêtées par le Conseil de l’Union avec la participation du Parlement européen. Elle contrôle ensuite la bonne application des textes.
Elle est aidée dans son action par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJUE assure le respect du droit de l’Union européenne et est chargée, si besoin est, d’interpréter les textes (principes de jurisprudence).
La CJUE peut ainsi être saisie par :
Exemple : le conseil de prud’hommes de Metz a saisi la CJUE pour savoir si l’article L. 1224-1 régissant les transferts d’entreprises pouvait s’appliquer à la reprise d’une activité précédemment exercée par une personne morale de droit privé à un établissement public administratif. Sans trancher sur le fond de l’affaire qui était soumise à ce conseil de prud’hommes, la CJUE a indiqué que cet article pouvait s’appliquer selon la directive européenne 77/187 pour autant que l’entité économique cédée conserve son identité (CJUE, 28 septembre 2000) ;
– les particuliers (salariés ou entreprises par exemple) qui estiment qu’un État membre a manqué à une obligation qui lui incombe (directive pas ou mal transposée, par exemple). Pour ce faire, il faut déposer une plainte auprès de la Commission européenne. Celle-ci examine la plainte et peut émettre un avis motivé à l’encontre du contrevenant. Si l’État ne se conforme pas à cet avis, la Commission saisit alors la CJUE qui rend un arrêt. L’État peut être condamné à payer une somme forfaitaire ou une astreinte s’il n’exécute pas cet arrêt.
Il est également possible de saisir directement la CJUE contre les actes réglementaires qui vous concernent personnellement.
Les tribunaux français sont chargés d’interpréter et de faire respecter le droit de l’Union européenne. Ils peuvent, si nécessaire, se faire aider par la CJUE comme nous l’avons vu précédemment. Lorsque le droit de l’Union européenne est en contradiction avec une disposition du droit national, les juges doivent faire appliquer le droit de l’Union européenne.
Les décisions de la CJUE amènent fréquemment les tribunaux à infléchir leur jurisprudence.
Exemple : suite aux arrêts prononcés par la CJUE le 20 janvier 2009 en matière de droits à congés payés des salariés en arrêt maladie, la Cour de cassation a modifié ses règles en la matière.
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